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Mais pourquoi ?
Après la première opération des yeux, je ne voyais plus rien du tout, et la panique m'a gagné dans la salle de réanimation où encore à moitié dans les vaps, mon cerveau travaillait quand même.
Et là j'ai pensé à toi, Roger mon grand frère devenu aveugle par bravoure, mais tu ne pouvais pas le savoir, quand de ton corps tu as empêché que l'explosion d'une cloche à carbure ne tue ou blesse un tas de personnes !
Tu n'as écouté que ton coeur, et ton courage a fait le reste.
Tu travaillais à l'étranger et il a fallu te rapatrier à Paris en avion spécial, médicalisé, mais à l'hôpital des grands brulés tu n'as pas voulu rester voulant rentrer chez toi avec les tiens.
Ta tête entièrement bandée brulée, et tes yeux morts à jamais.
Aucune greffe n'a pris, le carbure rongeant jour et nuit.
Tu as toujours été casse-cou disait maman, déjà, à quatorze ans pendant la guerre tu étais parti dans la résistance au grand dam des parents qui t'empêchaient mais tu y allais la nuit.
Tu aidais toujours les plus démunis, tu aimais ta famille et tous les enfants.
Quand les tiens sont venus au monde tu étais fou de joie, et si tes yeux ont vu le premier, ce sont tes mains qui découvrirent à tâtons les deux autres.
Tu sais, ils peuvent être fiers de leur père qui pour moi, est celui qui m'a donné mes premiers beaux Noël, qui m'écrivait et m'envoyait des colis en sanatorium, et a été un des premiers à se réjouir et me rendre visite lors de la naissance de ma première fille.
Ton rêve d'avoir une fille aussi qui est arrivée, pour ta grande joie, mais tu n'en as profité que quelques mois, car le destin a voulu que tu nous quittes trop tôt, trop jeune !
Ton corps a été retrouvé, noyé dans la Deule, tu avais 38 ans.
Ce fut un chagrin immense pour tous, mais tu es resté pour moi un héros méconnu, car tu étais ainsi, humble, serviable, aimant.
Ton courage le long des années de souffrance est de l'héroïsme.
Mais saches que tes enfants devenus hommes et femme avec des enfants pensent à toi, comme tous ceux qui t'ont connu et aimé.
Ci-dessous tes fleurs préférées, comme le superbe bouquet que tu avais commandé, pour m'offrir, à la naissance de ma première fille !
Des arums en fin d'hiver !
Cela fait des décennies, que tu as tout quitté, un soir de Mai où le vent soufflait, ayant défleuri les cerisiers du Japon bordant la route que j'ai empruntée telle une somnambule, ne sachant pas comment annoncer cette terrible nouvelle à maman, déjà tant éprouvée.
Depuis ce jour, elle est venue te rejoindre ainsi que quatre frères, André à 39 ans accident de voiture, Henri crise cardiaque à 60 ans, Albert cancer généralisé 55 ans, Jules cancer poumons cause amiante 61 ans, ayant pris le chemin du ciel, puis tant d'autres personnes, le fils de ta fille il y a quatre ans, tué en moto âgé de 24 ans, et puis ma fille il y a deux ans, la vie a continué avec plus d'aléas que de joies, c'est ainsi.
Je reste " la bibliothèque " vivante disent les enfants, neveux et nièces, il faut donc que je tienne, et que je perpétue les mémoires absentes malheureusement, pour raconter le passé, leur ascendance.Je suis une bougie un peu, beaucoup même, vacillante par les aléas vécus, mais le chemin n'est plus long, donc je me redresse et continue pour ceux qui restent, je ne suis pas prête encore pour partir.
Du moins je le pense, mais personne n'est maître de son destin.
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Tags : tot, tes, enfants, premiers, yeux, noyé, aveugle
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Commentaires
Quelle tristesse que de lire ces lignes...
Je ne sais quoi dire ? A part que tu resteras, je l'espère pour tes enfants, encore très longtemps à jouer "la bibliothèque vivante"...
Les malheurs s'accumulent et nous restons debout.
Je n'en ai pas l'âge, mais j'aurais aimé connaitre ton frère, un homme exceptionnel d'après ce que tu en dis.
Bon week-end.
Kikou Mary.
Tellement émue en lisant ton texte que j'aurais envie de te serrer dans mes bras..
Les aléas de la vie t'ont fait connaître tant de malheurs, tant de chagrins....
C'est d'une grande tristesse.
Heureusement, il y a eu des bonheurs pour compenser tous ce chagrins....Sinon, nous ne pourrions plus vivre.
Je t'embrasse Aimée ♥
Tu es la mémoire de la famille mais que de douleurs vécues!
Je t'embrasse bien fort!
Mireille du sablon
Bonsoir Marie,
ton texte m'a beaucoup émue. Beaucoup de courage que tu as eu pour tout affronter. La vie est en dent de scie. Bonne soirée du vendredi et bon weekend. Bisous.
Bonjour Marie,
Et bien voilà bien des chagrins que tu as vécus
ma douce Marie.Courage à toi .
Gros bisous d'amoitié- violette
Bonjour Marie,
la vie n'est pas toujours un long fleuve tranquille hélàs.
Il faut beaucoup de courage pour tout affronter .
Passe un bon week-end, gros bisous,
Nadine
Coucou Marie que de malheurs tu as eu aussi
perdre des enfants c'est la pire des choses
tu es courageuse je t'embrasse trés fort
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plein de chagrins,
les disparus sont toujours en nos coeurs et nos pensées,
ils vivent avec nous et nos ames qui y pensent