• La merveille et l'obcur.

    La merveille et l'obcur.

     

    Un extrait des textes de Christian Bobin à découvrir pour ceux qui ne connaissent pas.

    C'est la photographie d'une jeune femme, habillée comme on pouvait l'être au début du siècle, le visage fleurit au milieu d'un corsage de dentelles fines.

    Et sur ce visage, l'arête d'un sourire, la trop précise brillance d'un regard.

    Ce visage est celui de ma grand-mère maternelle.

    Son histoire, le peu que j'en connaisse, est celle d'une femme peu à peu dessaisie de ses forces, une peine qui devient tristesse, une tristesse qui devient mélancolie que l'on traite dans les lieux clos, dans les hôpitaux cachés derrière de longs murs, de grands arbres.

    J'en parle ici sans aucun romantisme.

    Le romantisme que l'on peut lire, ici ou là, dans la foulée malheureuse d'un surréalisme, autour de la maladie mentale, est une chose insupportable.

    Bien des bêtises ont été écrites qui ne l'auraient pas été si leurs auteurs avaient été voir ce qui se passe dans un hôpital psychiatrique : rien.

    Il ne s'y passe exactement plus rien.

    La maladie n'est pas un sommet de la création.

    Elle est l'impossibilité de créer quoi que ce soit de sa vie, la souffrance de subir tout ce qui vous arrive  et d'abord soi-même.

    Maintenant une autre image, sans photographie cette fois.

    L'image d'un grand père, du coté paternel.

    Très grand, très vieux, trop vieux, usé par la servitude du travail industriel.

    Les usines, ça ne fait pas que vous voler vos forces contre un peu, si peu d'argent, ça vous vole jusqu'à votre goût de vivre.

    On vante aujourd'hui les mérites de l'entrepreneur, les vertus du chef d'industrie.

    On oublie trop vite que celui qui veut régner sur les choses doit inévitablement régner sur les hommes qui fabriqueront ces choses.

    Triompher dans les affaires, c'est toujours triompher sur les autres, s'enrichir de leur défaite.

    Pourquoi ces deux images ?

    D'abord parce que ce sont comme deux points extrêmes de notre société, l'horizon visible de l'enfance :

    D'un coté les hôpitaux ou les prisons : quand ça va mal ou vous y met.

    D'un autre coté les bureaux et les usines, quand ça va bien on vous y met.

    Les enfants ont un privilège : on ne leur demande pas de justifier leur existence.

    On ne demande pas à un enfant ce qu'il fait dans la vie...

    On le sait bien, il joue, il pleure, il rit,  et ça suffit pour vivre...

    Extrait de La merveille et l'obscur.

    Christian Bobin.

     

    La merveille et l'obcur.

    « L'Étranger...Suite Croatie. »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :